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Epuisé

Stanley Brouwn

“Peu d’œuvres contemporaines importantes se montrent avec autant de discrétion. Rejetant tout système de médiatisation – depuis plus de vingt ans, Stanley Brouwn refuse toute publication de texte critique dans des catalogues personnels, toute interview, il n’assiste à aucun vernissage le concernant de près ou de loin – cette œuvre n’en est pas moins l’une des plus cohérentes et significatives de l’art contemporain. Marquée par la séparation absolue instruite par l’artiste lui-même entre l’exposition de son travail et tout élément de caractère biographique, de façon à n’offrir au regard et à la réflexion que les œuvres elles-mêmes, dans leur austérité, leur radicalité, laissant chacun libre d’interpréter ces informations implacables révélant sous la forme de mesures, de distances, de densités, la relation physique établie entre le corps – son corps, un corps – et le monde, l’œuvre de Stanley Brouwn vise à atteindre une évidence formelle débarrassée de tout élément laissant prise à une appréciation subjective. Paradoxalement, si chacune des propositions de Stanley Brouwn se présente sous une forme matérielle réduite à une visualité pour le moins sobre – traits, plaques, cubes – le degré d’abstraction sculpturale atteint un niveau de concrétion matérielle tel que l’appréhension de ce travail implique un dépassement de la matérialité. Elle relie ce système de codage de l’expérience humaine aux systèmes de compréhension du monde que l’histoire – fût-elle des mesures, des chiffres – bâtit depuis des lustres.
L’expérience de Stanley Brouwn ne saurait se comprendre comme un simple descriptif d’une translation entre, par exemple, la pratique de la marche et la mesure de l’espace. Elle est également un précipité de la relation essentielle de l’individu au monde qui l’entoure et aux mesures qui en déterminent la place. En ce sens on pourrait avancer l’hypothèse risquée que l’expérience de Stanley Brouwn appartiendrait à celle de systèmes de pensée, de philosophies qui, au-delà de la stricte matérialité, envisagent l’existence de l’individu au regard de son appartenance à un système d’ordre qui lui est largement supérieur. Aucune déclaration de l’artiste ne vient étayer cette hypothèse, mais la cohérence fondamentale qui articule, depuis son origine, ce projet ne réside pas uniquement dans la maîtrise aiguë de sa traduction matérielle, ni dans les objets exhibés, mais surtout dans l’intention profonde qui la crée.

On a dit de Stanley Brouwn qu’il est un artiste conceptuel. La rationalité exacerbée que ces mesures froides de l’espace, de ses déplacements, de son propre corps laissent naître, appartient en effet au vocabulaire plastique utilisé par ceux qui se reconnaissent dans ce rapprochement aux contours flous. La réduction des données possibles et visuelles d’une œuvre qui ne deviendrait que le signifiant d’une idée, la vérification empirique de l’adéquation – jusqu’à la superposition – entre ce qui est montré et ce qui est dit par l’artiste ou lu par le regardeur, tout cela participe d’un art qui ne privilégie pas le talent supposé ou reconnu de l’auteur ni une compétence spécialement acquise. Pourtant l’expérience de Stanley Brouwn ne s’inscrit pas dans cette sphère principalement nord-américaine. Sur un plan chronologique, elle lui est antérieure.”
(extrait communiqué de presse de l’exposition)

ISBN : 2-905075-71-6

16 pages, noir et blanc, 40 x 6,8 cm, 1994

Editeur(s) : Villa Arson, Nice, CNAP, Ministère de la culture et de la francophonie